Après les élections municipales de 30 Mars qui a réassuré le pouvoir du Premier Ministre Recep Tayyip Erdoğan et son parti l’AKP (Parti de la Justice et du Développement)[1], le nouveau sujet de discussion en Turquie est l’élection Présidentielle qui aura lieu en août et qui pour la première fois sera disputée au suffrage universel direct.
L’élection Présidentielle sera une nouvelle étape pour le Parti de la Justice et du Développement afin d’établir son modèle Islamiste et de contrôler tous les organes de l’état. Le Président de la République actuel Abdullah Gül a récemment expliqué «qu’après les élections municipales, maintenant c’est le temps de parler sur ce sujet avec le Premier Ministre Erdoğan.»[2] D’autre part Erdoğan a déjà signalé qu’il pouvait devenir un candidat pour cette élection.[3] Mais le problème en Turquie est plus grave que les plans de carrière de deux géants de la politique Islamiste. Le système d’administration en Turquie est maintenant complexe et possède des propriétés appartenant au système Présidentielle et en même temps au système parlementaire.
Selon la constitution du pays, le Président de la République n’a pas seulement des pouvoirs symboliques et cérémonials mais aussi des autorités très importantes comme nommer les juges de la Court Constitutionnel, les ambassadeurs et les recteurs des universités et présider les réunions du conseil des ministres s’il le souhaite.[4] Jusqu’a maintenant les Présidents ont rarement utilisé leur pourvoir de présider les réunions de cabinet en Turquie. Mais Erdoğan, homme politique autoritaire et très passionné, n’acceptera pas un nouveau rôle moins important après les succès qu’il a remporté comme chef de son parti lors des 3 élections générales, 3 élections municipales et aussi 2 referendums entre 2002 et 2014. C’est pourquoi le système Turc peut –comme le modèle Français dans le passé- opter pour un nouveau équilibre proche du modèle Présidentiel, nommé en science politique régime semi-présidentiel.
Le régime semi-présidentiel est une catégorie de régime politique théorisée par Maurice Duverger comme présentant des caractéristiques mixtes de deux autres grandes catégories; le régime parlementaire, caractérisé par une séparation des pouvoirs souple et par la responsabilité du gouvernement devant le parlement en contrepartie de pouvoirs du gouvernement sur le parlement, en particulier du droit de dissolution et le régime présidentiel, caractérisé par une séparation stricte des pouvoirs, par l’absence de responsabilité gouvernementale et par l’absence du droit de dissolution. Le régime semi-présidentiel est défini par trois critères;
– Le chef d’État est élu au suffrage universel direct.
– Le chef d’État a des prérogatives propres.
– Le gouvernement est responsable devant le parlement.[5]
Cela regrouperait notamment les régimes de l’Allemagne de 1919 à 1933, de la Finlande jusqu’à la révision constitutionnelle de 2000, de la France sous la Cinquième République, de l’Islande, de l’Irlande, de l’Autriche, du Portugal, et de la plupart des pays européens sortis de la guerre froide dans les années 1990.
Maintenant la Turquie a deux choix; le pays peut transformer son régime en régime parlementaire comme l’Allemagne en limitant les pouvoirs du Président de la République, ou en régime semi-présidentiel comme la France avec des reformes constitutionnelles qui vont augmenter les autorités du Président de la République. Un équilibre proche à un régime parlementaire est aussi possible, si le nouveau Président n’utilise pas ses pouvoirs de présider les réunions de conseil de ministres et si n’interpose pas dans le domaine du Premier Ministre.
Erdoğan et Gül sont des amis proches, tous deux intégrés dans la politique Islamiste en Turquie, mais on sait qu’ils ont des nuances très importantes dans leur manière d’agir et leur interprétation de la démocratie. Erdoğan est clairement plus autoritaire, eurosceptique et veux concentrer le pourvoir seulement entre ses mains contre Gül qui est plus modéré, en faveur de l’adhésion de la Turquie dans l’Union Européenne et de partager le pouvoir avec les autres institutions. Sans réformes constitutionnelles, le système Turc peut engendrer des crises politiques entre le Président et le Premier Ministre spécialement s’ils choisissent des partis différents. Pour cette raison, c’est mieux de changer le système en régime semi-présidentiel ou tout le régime parlementaire.
Dr. Ozan ÖRMECİ
[1] Pour un analyse après les élections; Örmeci, Ozan (2014), «Les Elections Municipales en Turquie 2014», Uluslararası Politika Akademisi, http://politikaakademisi.org/les-elections-municipales-en-turquie-2014/.
[2] “Gül: Cumhurbaşkanlığını Başbakan’la oturur konuşuruz”, Hürriyet, http://www.hurriyet.com.tr/dunya/26142222.asp.
[3] “Erdoğan: Cumhurbaşkanlığına Aday Olabilirim”, Aktif Haber, http://www.aktifhaber.com/erdogan-cumhurbaskanligina-aday-olabilirim-657659h.htm.
[4] Pour les détails; http://www.anayasa.gen.tr/1982ay.htm.
[5] Pour les détails; http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gime_semi-pr%C3%A9sidentiel.