Depuis 2003, la Turquie a semblé être un atout de valeur et un bon investissement pour les puissances mondiales et agissait comme un acteur principal dans une région, décrite pour long temps comme paresseuse et lente envers les transformations démocratiques. Cependant, avec l’apparition du prétendu printemps arabe les choses ont changé et l’influence de la Turquie a diminué particulièrement quand on la compare à l’ascension d’une autre puissance régionale : l’Iran.
Les États-Unis ont cherché à mettrez en œuvre l’Initiative de Partenariat au Moyen-Orient qui est devenue “l’Initiative du super Moyen-Orient” (GMEI) en 2003. Les efforts des EU ne se sont pas arrêtés au GMEI et ils ont lancé un autre plan nommé “le Nouveau Moyen-Orient”. Le but avéré de ces plans était d’encourager des réformes politiques, économiques et sociales au Moyen-Orient. Cette vision avait pour objectif principal d’améliorer l’image des EU au Moyen-Orient, après avoir été grandement entachée et déformée suite à l’invasion américaine de l’Afghanistan et à l’occupation de l’Irak.
Chercher un nouveau “modèle” qui peut être accepté par les Arabes et aliénerait les images et les stéréotypes liés aux régimes vieux et traditionnels est devenu, ainsi, une priorité. Cette idée a gagné plus d’élan après l’arrivée du parti de la Justice et du Développement, (AKP) à la suite de l’élection parlementaire turque en 2002. Un nouveau plan pour la démocratisation du Moyen-Orient est devenu une option viable.
L’ascension de l’AKP était la réponse et a déplacé la boussole dans la direction de ce qui a été appelé “l’Islam modéré”. Cela étant dit, promouvoir le modèle turc en particulier et encourager “l’Islam modéré” en général touchait la corde sensible avec l’insatisfaction publique et l’aversion pour les régimes corrompus dans la région et est devenu une priorité.
Par la suite, la Turquie est devenu un élément crucial dans ces plans et fut considéré comme un modèle de l’Islam modéré. Les EU ont reconnu les qualités qu’il possède et ont conçu un rôle principal pour la Turquie en raison de son emplacement géostratégique, son record comme allié à long terme de l’Ouest, son expérience de longue date avec la démocratie et son apparition comme un pays combinant avec succès l’Islam et les valeurs Occidentales.
Ces principes étaient considérés comme étant au cœur de ce qu’est devenu connu plus tard comme le modèle turc. Il souligne les idées à l’origine de l’AKP qui produit une tradition Islamiste qui prétend fusionner le modernisme, la démocratie libérale et la tradition (Islam).
Jusqu’ici, le modèle turc a envahi les plates-formes médiatiques et universitaires. Il est devenu partie des débats arabes quotidiens et vifs et des penseurs et intellectuels arabes ont encouragé leurs dirigeants à imiter le modèle turc. Beaucoup d’aspects ont contribué au succès de ce modèle et à sa montée en flèche dans les sociétés arabes.
En plus des efforts des EU en vue de propager le statut de la Turquie comme le représentant de l’islam modéré et démocratique, la formation Islamique de son élite dirigeante, son succès économique, ses relations équilibrées avec l’Est et l’Ouest, sa puissance militaire et l’adhésion à L’OTAN, ont tous mis le modèle turc sur la piste.
Cependant, les révoltes ne frappent pas à la porte; elles se faufilent, le changement fait son chemin et elles soufflent des plans stratégiques. Avec l’éruption des révoltes arabes, l’environnement stable – le Monde arabe – sur lequel le décideur turc a eu l’habitude de construire des stratégies a changé et est devenu inégal. Au premier coup d’œil, chaque observateur a pensé que le printemps arabe constituerait une occasion historique pour la Turquie d’étendre son statut dans la région. Cependant, les choses ont changé et la popularité de la Turquie a diminué année après l’année.
Dans les sondages consécutifs depuis 2011 jusqu’à présent, les moyen-orientaux ont montré une perception tiède envers le rôle de la Turquie dans la région. Année après année, cette réaction tiède s’est transformée en aversion et en suspicion. Même au niveau officiel, les relations de la Turquie avec plusieurs pays du Moyen-Orient ont été colorées de tension et, de temps en temps, d’hostilité.
D’autre part, qu’on le veuille ou pas, l’Iran s’est lentement, mais fermement dirigé vers un extraordinaire statut et un rôle important au Moyen-Orient. L’Iran émerge de décennies d’isolement depuis l’accord nucléaire qui a aidé son économie et l’a re-propulsé dans le monde.
L’Iran a commencé à formuler ce rôle depuis longtemps et l’accord conclu n’était que le point de départ. L’Iran a utilisé un tableau de plus en plus large d’instruments afin de construire des partenariats stratégiques et des alliances partout dans le Monde Musulman et au-delà. Un des instruments que l’Iran a déployé avec succès est “la puissance douce” qui a inclus les médias, l’aide et les liens culturels. Le commerce et l’investissement sont d’autres instruments que l’Iran a employé pour pénétrer plus dans la région. L’entreprise publique iranienne Khodro est un exemple saillant et s’affirme comme le plus grand fabricant d’automobiles au Moyen-Orient, exportant plus d’un million de véhicules en 2007.
Récemment, l’Iran a signé des accords avec l’Afghanistan et le Tadjikistan pour construire un chemin de fer et des lignes à haute tension liant l’Iran et les Républiques asiatiques Centrales aussi bien que la Chine et la Russie. En outre, l’Iran coopère politiquement et militairement avec la Russie en Syrie dans le but de bénéficier du soutien de Moscou sur plusieurs dossiers. Un des nombreux dossiers dans lesquels l’Iran s’attend à un soutien russe est dans ses tentatives de rejoindre l’Organisation de Coopération de Shanghai (SCO) comme membre à part entière. L’Iran a été accepté comme un État observateur, mais une adhésion complète garantirait le nouveau soutien stratégique de la Russie et de la Chine.
Plus encore, la force de levier étendue de l’Iran dans la région s’est toujours illustrée dans son réseau d’alliés qui s’est étendu incluant toujours plus de membres. La principale logique derrière ce réseau est la “puissance douce” de l’Iran et sa capacité à exporter autant ses valeurs révolutionnaires que ses rapports fraternels chi’ites.
L’Iran a été très perspicace en se promouvant comme le centre révolutionnaire et une adresse pour ceux qui ont pour but de se battre contre l’impérialisme étranger. Le résultat final était la formation “de l’axe de la résistance” à l’opposé de “l’axe de la modération” qui englobe les alliés des américains dans la région.
De plus, les connexions de l’Iran avec les communautés chi’ites en Irak, au Bahreïn, au Yémen, en Arabie Saoudite et au Liban démontrent le succès de la politique de la “puissance douce” de l’Iran. Le nombre de visiteurs Chi’ites en Iran démontre ce sucess. Selon des chiffres de 2011, 3.2 millions de touristes visitent l’Iran annuellement; la grande majorité sont des touristes “chi’ites” religieux tandis que 20 000 touristes seulement sont des touristes réguliers.
En outre, l’Iran a étendu son réseau au-delà des acteurs traditionnels étatiques comme la Syrie et l’Irak pour inclure des acteurs et des groupes incluant le Hamas et le Jihad en Palestine, le Hezbollah au Liban et les Huthis au Yémen. L’Iran était aussi assez pragmatique pour établir des relations avec des partenaires apparemment peu probables comme la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde, le Nicaragua et l’Algérie et à signé beaucoup d’accords dans des domaines comme les hydrocarbures, l’énergie, le commerce et les transports.
Entre autres, on peut dire que le modèle turc a fait face à une force iranienne montante au Moyen-Orient. Le printemps arabe est venu souffler les accomplissements turcs, quand l’Iran avançait toujours lentement mais fermement vers un statut qu’il a soigneusement dessiné. Vient alors l’accord nucléaire qui a grandement favorisé le potentiel de l’Iran dans la région et soulève étrangement une question cruciale : quand allons-nous voir un rôle et un pouvoir de décision arabe dans le Monde arabe ?
Fadi ELHUSSEINI
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