LES DISPUTES DU CALIFAT EN TURQUIE

upa-admin 06 Ağustos 2020 6.124 Okunma 0
LES DISPUTES DU CALIFAT EN TURQUIE

Le Prologue

Après la décision du conseil d’État turc annulant le statut de musée de la basilique Sainte-Sophie (Ayasofya), un temple historique et important pour les musulmans et aussi pour les chrétiennes à Istanbul, le Président de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan a ordonné la transformation de Sainte-Sophie en une mosquée -par un décret présidentiel- et de transférer la gestion de Sainte-Sophie, jusque-là gérée par le ministère de la culture et du tourisme, à la direction des affaires religieuses pour rouvrir l’édifice à la prière. La première prière à Sainte-Sophie après 86 années a été organisée le 24 juillet 2020 un vendredi. C’était un évènement historique pour les gens pieux en Turquie et l’inauguration a été célébrée comme un festival religieux. Toutes les chaines de télévision en Turquie ont fait des émissions en direct ce jour-là. Les médias internationaux aussi ont fait des nouvelles exclusives durant cette journée et le lendemain.

L’inauguration de Sainte-Sophie comme une mosquée

La Cérémonie

La cérémonie a été attentivement organisée les jours précédents par les autorités turques. Seulement les gens autorisés (moins de 1 000 personnes) étaient dans le monument pour la prière incluant Président Erdoğan et les hommes d’état turcs. 21 353 policiers au total étaient en service aux environs de Sainte-Sophie durant cette journée. C’est normal car il y avait 350 000 gens aux environs de la mosquée. Président Erdoğan a même récité le Coran en arabe avant la cérémonie.

La foule vers la Sainte-Sophie pendant le jour d’inauguration

Président Erdoğan récitant le Coran

Le chef de la Direction turque des Affaires religieuses (Diyanet İşleri Başkanlığı) Ali Erbaş était l’imam qui a dirigé la cérémonie. Alors Erbaş est devenu le premier imam à prêcher (le sermon) le vendredi à Sainte-Sophie après 86 années. Erbaş est monté sur le minbar (chaire de la mosquée) avec une petite épée dans les mains pour diriger le rappel traditionnel de la conquête de l’empire ottoman. Erbaş a fait un discours (un khutba) controversé ici critiquant la décision antérieure concernant le statut de Sainte-Sophie. Les représentants des partis politiques d’opposition en Turquie (le CHP et le Bon Parti surtout) ont perçu  le discours d’Erbaş comme une insulte envers Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, qui a pris la décision de faire de Sainte-Sophie un musée en 1934 pour donner des messages d’amitié au monde chrétien.

Ali Erbaş pendant la cérémonie

Les Disputes du Califat

Après le succès sensationnel de l’inauguration de Sainte-Sophie comme une mosquée, les disputes du califat ont commencé en Turquie. Ruşen Çakır, un journaliste gauchiste et un spécialiste des mouvements islamiques en Turquie a dit que le pas suivant d’Erdoğan peut être la proclamation du califat islamique.[1] Le journaliste islamique, Abdurrahman Dilipak d’autre part a glorifié Erdoğan et a écrit que les musulmans ont le droit de choisir leur califat comme les autres groupes de croyance.[2] Le magazine islamiste Gerçek Hayat (La Vie Réelle) a publié une nouvelle édition avec un couvercle demandant “Şimdi değilse ne zaman, sen değilsen kim? Hilafet için toplanın” (Si ce n’est pas maintenant quand ? Si ce n’est pas toi, c’est qui ? Rassembler-vous pour le Califat).

Le couvercle du magazine Gerçek Hayat

Contrairement à ses commentaires, le Président Erdoğan a refusé les accusations du califat et il a dit que ces polémiques ont été créées délibérément pour diminuer l’importance de son succès de changer le statut de Sainte-Sophie en faveur des musulmans.[3] Fahrettin Altun, le chef de la Communication de la présidence turque a aussi dit expliqué que la Turquie est opposée à  tous les radicalismes et les disputes du califat sont absurdes.[4] Le porte-parole de l’AKP (ou l’AK Parti), Parti de la Justice et du développement, Ömer Çelik et le chef de file des députés de l’AKP, Naci Bostancı ont aussi rejeté l’idée du califat et ont souligné que seuls les gens autorisés peuvent parler du programme et des intentions de leur parti.[5] Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, et directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) a commenté ces développements comme « la Turquie d’Erdoğan ne cache plus ses ambitions de dominer le monde musulman en fondant le califat rêvé par les Frères musulmans ».[6] Rodier a aussi cité la parole de Süleyman Soylu, le ministre des affaires intérieures de la Turquie, « la Turquie deviendra très prochainement le centre d’attraction le plus important du monde », pour prouver son argument.

L’Histoire du Califat Islamique

Lisa Romeo a défini le califat correctement comme « une institution spirituelle et temporelle qui plonge ses racines dans l’origine même de l’Islam et qui a organisé la communauté musulmane pendant près de treize siècles » et comme « le successeur du Prophète fils d’Ali et petit-fils du prophète Mahomet (Muhammad) ou le remplaçant de l’Envoyé de Dieu ».[7] Le califat représente l’unité dans le monde musulman et son histoire a commencé avec la mort du Prophète Mahomet. Après la mort du Prophète, pendant la période de « quatre califes » (632-661), Abou Bakr (632-634), Omar (634-644), Uthman (644-656) et Ali (656-661) ont servi comme les premiers califes islamiques. Après l’assassinat d’Ali, les Omeyyades ou Umayyades ont pris le califat et Muawiya est devenu le premier calife Umayyade. À cause de la bataille de Karbala en 680 ou l’armée Umayyade de Muawiya a battu l’armée des partisans d’Hussein, le fils d’Ali et petit-fils du prophète Mahomet, le clivage entre les supporteurs d’Ali et de Muawiya a commencé la jalousie sectaire dans le monde musulman. Alors, la compétition entre les Chi’ites (le chi’isme) et les Sunnites (le sunnisme) a commencé par la bataille de Karbala. La dynastie Umayyade a protégé son pouvoir sur le califat jusqu’en 750. En 750, Les Abbasides (la dynastie Abbaside) arrivent au pouvoir. Abû al-Abbas (750-754) était le premier calife Abbaside.  La dynastie Abbaside dura jusqu’au sac de Bagdad par les Mongols de Houlagou Khan en 1258. Après 3 années d’arrêt,  le califat était restauré par le sultan mamelouk Baybars en 1261. Mais cette restauration est surtout symbolique ; car les califes Abbassides étaient en siège au Caire (la capitale du sultanat mamelouk) et n’exerçaient plus de pouvoir politique.

Yavuz Sultan Selim

En 1517, le sultan de l’Empire ottoman, Selim Ier (Yavuz Sultan Selim en turc) était devenu le premier calife ottoman après ses guerres victorieuses en Égypte. Les sultans ottomans n’ont pas vraiment utilisé le califat pendant les 18ieme et 19ieme siècles. Avec l’émergence des mouvements nationalistes dans le monde arabe, le califat des sultans turcs était devenu plus controversé. Les nationalistes turcs sont aussi devenus plus hésitants vis-à-vis du califat à cause de la modernisation et sécularisation dans l’empire.

Mustafa Kemal Atatürk

Le générale Mustafa Kemal (Atatürk) était devenu le chef et le héros de la guerre d’Independence en Anatolie pendant 1919-1922. Atatürk a établi un nouvel état comme une république en 1923. Atatürk a déjà séparé le sultanat du califat en 1922 pour exiler le dernier sultan ottoman  Mehmed VI (Sultan Vahdettin). Alors Abdülmecid II, le cousin de Mehmed VI a été choisi comme le calife par le nouveau parlement (la Grande assemblée nationale de Turquie) établi à Ankara en 1920 par Mustafa Kemal. Abdülmecid II a été déposé en 1924 car le parlement turc a décidé de supprimer le califat aussi. Cette décision a aidé la Turquie à devenir un état moderne et séculaire, plus développé que les autres pays musulmans. Mais le monde islamique, surtout le monde sunnite se retrouvait alors sans chef. Dans ce cas, les groupes radicaux ont proclamé le califat. Par exemple, Abou Bakr al-Baghdadi, le chef djihadiste de DAESH qui a été tué par l’armée américaine en 2019 était un califat contrefait. Le monde chi’ite d’autre part a établi un leadership suprême (guide suprême) comme le califat après la Révolution islamique en 1979. L’Ayatollah Khomeini (Rouhollah Khomeini) était le premier guide suprême de l’Iran entre 1979 et 1989. Après Khomeini, c’est  Ali Khamenei (1989-) qui est le guide suprême de l’Iran. Alors c’est le monde sunnite islamique qui reste encore sans chef religieux si on considère le pape des catholiques et le guide suprême des chi’ites comme des califats.

Le Califat dans le monde actuel : Absurde ou nécessaire ?

Comme John Stuart Mill a écrit dans son livre De la Liberté, la liberté de pensée n’est pas un danger pour les systèmes et les idées légitimes et populaires. Alors, on peut discuter pourquoi rétablir le califat pour les musulmans n’est pas une bonne idée.

Les gens qui défendent le califat au 21ieme siècle, généralement les islamistes politiques, se concentrent sur l’absence d’un leadership pour les sunnites et les dangers qui se forment (les groupes terroristes comme Al-Qaida ou le DAECH proclamant le califat) à cause de cette absence. Je pense que ce n’est pas une idée complètement fausse, c’est vrai que la sécularisation du monde islamique n’est pas encore fini comme en Europe. Alors beaucoup de gens pieux sunnites dans les pays musulmans cherchent encore un guide religieux. Comment peut-on expliquer la popularité des communautés islamiques en Turquie par exemple ? Si les causes économiques constituent la première étape, l’absence spirituelle est la deuxième raison importante.

Les gens qui pensent que l’idée d’un califat est dangereuse et absurde dans le monde moderne, d’autre part les gens pro-séculaires, focalisent sur l’histoire de l’Europe et comment la sécularisation a développé les pays européens. Ils disent que les systèmes politiques d’aujourd’hui sont basés sur l’idée de l’égalité entre tous les gens, alors une relation entre un cheik et son disciple n’est pas convenable. C’est une idée forte mais la continuation des régimes monarchiques et autoritaires dans le monde entier nous montre que l’égalité est encore un idéal, pas une vérité. Mais le problème le plus important pour établir un leadership spirituel dans le monde islamique c’est qu’il y a des interprétations radicales du Coran qui n’acceptent pas l’égalité des sexes, les droits féministes, les droits des minorités religieuses etc. Alors le chef (le calife) peut être une personne progressive comme le pape François du monde catholique maintenant qui toujours donne des messages d’amitié aux gens, mais aussi une personne radicale aussi comme le pape Benoît XVI (Benedictus) qui était un nazi pendant son enfance. Alors une hiérarchie religieuse peut être dangereuse comme un système politique autoritaire si le pouvoir se concentre dans les mains d’une seule personne. Pour le monde islamique, c’est surtout dangereux car la majorité des peuples sont pauvres et pas bien éduqué.

Alors une solution pourrait être d’établir un mécanisme scientifique dans l’Organisation de Coopération Islamique (OCI) (anciennement, l’Organisation de la Conférence islamique) pour discuter les idées controversées dans l’islam avec la participation des théologiens et des scientifiques. Ce mécanisme peut faire des propositions aux musulmans concernant la religion en faisant attention à ne pas déborder sur le monde politique et séculaire comme la papauté au Vatican a transformé ces dernières années.

Conclusion

Finalement, les pays du monde islamique ont des problèmes plus graves que le califat pour moi. Les problèmes sociaux-économiques, les systèmes politiques autoritaires, les systèmes économiques basés sur l’industrie pétrolière, la compétition dangereuse entre les sunnites et les chi’ites, les problèmes d’éducation et la situation des femmes dans les pays musulmans sont de graves problèmes. Alors, les pays islamiques doivent faire plus d’effort pour la solution de ces problèmes d’abord. En même temps, pour accélérer le progrès, un mécanisme scientifique dans l’Organisation de Coopération Islamique pour interpréter l’Islam pour le monde moderne peut être utile et profitable pour tous les pays et toutes les religions.

Correcteur d’orthographe et de grammaire : Françoise Barere Yörük

Dr. Ozan ÖRMECİ

 

[1] https://www.youtube.com/watch?v=UescZSLFBPo.

[2] https://www.youtube.com/watch?v=BuA-x84gt_U.

[3] https://www.youtube.com/watch?v=QchkMq4VS1c.

[4] https://www.trthaber.com/haber/gundem/iletisim-baskani-altundan-hilafet-tartismalarina-tepki-505475.html.

[5] https://www.veryansintv.com/akpden-bir-hilafet-aciklamasi-daha-partinin-gundemini-erdogan-belirler.

[6] https://www.atlantico.fr/decryptage/3591506/la-turquie-d-erdogan-ne-cache-plus-ses-ambitions-de-dominer-le-monde-musulman-en-fondant-le-califat-reve-par-les-freres-musulmans-suleyman-soylu-armee-militaires-pouvoir-defense-conflit-territoire-ankara-istanbul-alain-rodier.

[7] https://www.lesclesdumoyenorient.com/Califat-origine-role-et-evolution-dans-l-histoire.html.

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