La Turquie va organiser deux élections en même temps en 2023 : les élections législatives et présidentielles. Ces élections vont déterminer qui va gouverner le pays dans les années suivantes. Comme la Turquie marche vers son 100ème anniversaire et il y a une polarisation signalée dans le pays, ces élections sont trop importantes dans les intérêts vitaux et l’avenir de la République. D’un côté, le Président Recep Tayyip Erdoğan et son parti islamo-conservateur l’AKP (Parti de la justice et de développement) et les partis ultranationalistes MHP (Parti d’action nationaliste) et BBP (Parti de la grande unité) forment l’Alliance Populaire (Cumhur İttifakı), d’un autre côté, le parti pro-séculaire et social-démocrate CHP (Parti républicain du peuple) et ses alliés le Bon Parti (İYİ Parti) – un parti de centre droit provenant de la même ligne politique qu’avec le MHP, le Parti de la Félicité (Saadet Partisi) – un parti islamiste hérité de Necmettin Erbakan, le Parti Démocrate (DP) – un petit parti de centre-droit, le parti de DEVA et le parti de la Future (Gelecek Partisi) lesquelles se sont détachés de l’AKP forment l’Alliance Nationale (Millet İttifakı). L’Alliance Populaire représente une Turquie, plus islamiste et nationaliste, dirigée par un système présidentiel, nourri de l’autoritarisme. Néanmoins, l’Alliance Nationale veut reconstruire le pays avec un système parlementaire et plus séculaire ainsi qu’avec une politique étrangère plus traditionnelle concernant les relations avec l’Occident.
Mais il y a trois sujets à aborder avant les élections. Tout le monde a bien compris que le chef du CHP Kemal Kılıçdaroğlu voudrait devenir le candidat présidentiel de l’opposition. A cause de la crise économique catastrophique dans le pays, Kılıçdaroğlu a maintenant beaucoup plus de chance qu’Erdoğan pour gagner les élections. Mais selon les sondages, le maire d’Ankara, Mansur Yavaş, un homme politique venant du mouvement nationaliste et très bien connu pour la bonne gestion de la municipalité et le maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu – la nouvelle star de la politique turque dont la réputation gagne toute la Turquie, surtout la jeunesse, ont beaucoup plus de chance qu’Erdoğan pour gagner les élections. De même, l’opposition peut choisir un candidat surpris comme le CHP a choisi Ekmeleddin İhsanoğlu pour les élections présidentielles de 2014. Le choix de candidat sera un facteur déterminant pour les résultats. A mon avis, le meilleur candidat serait İmamoğlu alors que Mansur Yavaş est le plus favorable d’après les sondages. Je pense que M. İmamoğlu peut attirer beaucoup de monde s’il devient le candidat présidentiel grâce à son dialogue parfait avec les jeunes et les stambouliotes. En outre, le passé ultranationaliste de Mansur Yavaş peut créer des barrières psychologiques pour les électeurs traditionnels de CHP et les jeunes. Certes, Kılıçdaroğlu peut subir la discréditation pendant sa campagne électorale à cause de son identité alevi qui n’est bien accueilli par Erdoğan ni par les milieux d’extrême droite.
Deuxième chose important avant les élections ; l’AKP et le Président Erdoğan veut désormais changer la constitution pour garantir la liberté du port de voile. Ce débat a recommencé de gaieté de cœur quand le chef du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu a proposé un projet de loi concernant la liberté de travail dans les fonctions publiques pour les femmes voilée. Plusieurs analystes ont souligné que Kılıçdaroğlu a commis une erreur assez grave en faisant cette action. Donc, le Président Erdoğan a décidé d’instrumentaliser ce sujet et son parti a élaboré un amendement de constitution pour la protection du voile. Grâce à cela, les fonctionnaires publiques peuvent être libres de porter le burqa et l’hidjab aussi. Mais l’AKP et le MHP ont seulement 334 sièges parlementaires, qui ne sont pas d’ailleurs suffisants pour faire un amendement de constitution (400) ou référendum (360). Alors Erdoğan peut se servir de ce débat pour déconsidérer l’opposition si les députés de CHP votent contre l’amendement. Si ces derniers le soutiennent, l’islamisme pourra être plus visible et prépondérant en 100ème anniversaire de la République. Dans le cas où il y aurait un référendum, ce débat peut susciter une polarisation entre les islamistes et les séculaires, ce qui va profiter à Erdoğan et à l’AKP avant les élections.
En dernier lieu, on peut parler des petits partis dans le cadre des élections. La voix des petits partis comme le parti de la Victoire (Zafer Partisi) d’Ümit Özdağ, le parti de la Ville Natale (Memleket Partisi) de Muharrem İnce, le Nouveau parti du bien-être (Yeniden Refah Partisi) de Fatih Erbakan et le Mouvement du changement de la Turquie (Türkiye Değişim Hareketi) de Mustafa Sarıgül peuvent avoir un effet sur les résultats s’ils décident de rejoindre l’un des deux blocs.
Le dernier mercredi, le maire d’İstanbul, Ekrem İmamoğlu a été condamné à plus de deux ans de prison pour avoir insulté des responsables turcs et à une interdiction d’exercer un mandat politique pour la même durée que la peine de prison, 6 mois avant les élections cruciales en Turquie. Il peut quand même devenir candidat comme sa peine n’est pas encore confirmée en cassation. En fait, cette décision peut faire d’İmamoglu « un nouveau Erdoğan », un homme politique inextinguible et trop populaire parmi le peuple en raison du traitement injuste qu’il a subi. Mais étant rentré d’Allemagne, Kılıçdaroğlu a dit que M. İmamoğlu devrait continuer à servir les stambouliotes. A cet égard, il n’a pas donné le feu vert à la candidature d’İmamoğlu. Au contraire, le chef du Bon Parti Meral Akşener a exprimé son soutien pour İmamoğlu en lui donnant une accolade. Alors, on va voir qui va être le candidat de l’opposition et comment les deux autres facteurs (le débat du voile et les petits partis) vont influer sur les élections.
Correcteur d’orthographe et de grammaire : Berkay TEMEL
Dr. Ozan ÖRMECİ